Le Voyage Musical de Madeleine Richard: Passion, Parenté et Perspective

Entrevue Madeleine Richard & Philippe Richard, juin 2023.

Madeleine Richard est une finissante de l’école FACE en 2023. À travers ses douze ans d’expérience à l’école, son histoire avec le violon en est une de passion, de dévouement, et d’engagement familial. Cette entrevue a été menée en juin 2023 avec elle, première chaise de l’OSF, et son papa Philippe Richard, alors membre du CA de la Fondation.


Madeleine, parle-nous de ton instrument : pourquoi le violon ? Depuis quand ?

Madeleine Au primaire j’avais une amie et je voulais tout le temps la copier. Je voulais tout le temps faire les mêmes choses qu'elle faisait ! Et elle jouait du violon. Donc je voulais jouer du violon…


Philippe C’est là [que les parents interviennent]. Je trouvais que jouer du violon, c'est une excellente idée. J'ai cherché autour de moi des endroits où c'était possible. J'ai trouvé l'école de musique de l'Université de Montréal, juste à côté du pavillon où je travaille, et où il y avait déjà un camp de jour. Alors je l'ai inscrite en violon.


Et le choix de l’école s’est fait en fonction de ça ?

Philippe L'école a été proposée par mon épouse qui en avait entendu parler dans un cercle d'amis.


Madeleine, parle moi un peu plus de la relation que tu as avec le violon : quand es-tu tombée en amour avec ?

Madeleine Avec le violon, tu as toujours des hauts et des bas. Quelquefois tu l'aimes et puis des fois tu n’aimes pas ça. Des fois, ça va bien, tu es content, tu joues, [tu te sens] capable de faire ça. [D’autres] fois ça ne va pas bien, tu en as marre, tu es déprimé, tu n’as pas envie de jouer. Mais [la plupart du temps], tu sais, il y a quelqu'un qui t'encourage : ta nouvelle pièce, c'est un passage que tu veux pratiquer. [Ça te donne] vraiment envie de jouer cette partie-là. Au début [de mon apprentissage], je n'avais pas envie de pratiquer. C'était toujours mon père ou ma mère qui disait: " Va pratiquer ton violon !”


Philippe L'obligation a été très ténue dans notre famille, ça n’a pas été une obligation ni de résultat, ni dans le temps. Ça pouvait se négocier, si Madeleine n'avait pas envie une journée parce qu'elle était fatiguée. Ce n'est pas grave, le lendemain est une bonne journée pour ça. Donc il y avait un suivi, mais pas serré. C'est un apprentissage ingrat. Il y a des jeunes qui ont la justesse rapidement, mais ils manquent de cœur. Il y en a d'autres qui ont le cœur tout de suite, mais ils manquent de justesse. Madeleine était dans le deuxième cas de figure, mais pour moi, la tête en musique, c'était [l’essentiel]. [Alors] il y a deux choses que j'ai faites de façon très volontaire, on pourrait appeler ça de l'éducation passive. 

J'écoutais beaucoup de musique de Jordi Savall, qui qui va chercher une gamme assez ample de styles, je le mettais souvent à la maison. Ça, c'est très clair pour moi, ça fait partie de l'éducation et je n’ai pas eu besoin de faire quoique ce soit de particulier. Ça prend un environnement musical conscient, constant et de qualité.

Et puis quand j'étais plus jeune, je faisais aussi de la musique, mais  j'avais un peu oublié le plaisir [que c’est].  Je me suis remis à la musique sérieusement à partir de la première ou de la deuxième année du primaire de Madeleine. J’ai recommencé à lire, à rejouer, j'ai été obligé de faire un effort. [Et je crois que] quand on voit un adulte faire de la musique, qu'il soit bon ou pas bon, la question n’est pas là. On voit que c'est possible, c'est proche. J'ai toujours pensé que c'était un levier pour que Madeleine voie que c'est possible, et c'est même sain de faire les choses comme ça.


Est-ce que tu es consciente, toi, Madeleine, de cet environnement musical pendant que tu grandissais? 

Madeleine Pour moi, les musiques que mon père mettait en disque, c'est des musiques que je connais maintenant. [Mais] quand on a six ans, on ne sait pas que les autres familles ont de la musique [chez eux], ou que peut-être ils n’en ont pas du tout. Donc on ne se compare pas aux autres parce qu’on ne vit pas dans leur maison. 


J’aimerais qu’on parle plus spécifiquement de ton parcours à FACE. Toi, en quatrième année, il a fallu que tu essayes les autres instruments aussi, la trompette et tout. Quand tu as essayé ces autres instruments, est-ce qu'il y a eu un moment où, finalement, tu n’étais plus sûre pour le violon?

Madeleine Moi, quand je fais quelque chose pendant longtemps, je continue. Je ne veux pas laisser tomber quelque chose que je connais déjà, donc ce n’était pas vraiment une question. Mais je sais qu'à un moment donné, j'avais essayé la trompette et j'aimais vraiment la prof Marie-Ève. Je n’aimais pas l'instrument, mais j'aimais la professeure.


Est-ce que tu sentais que, à cause des cours que tu avais eu, tu étais quand même un pas en avant des autres? Est-ce qu’à certains moments ça s'est rééquilibré?

Madeleine En quatrième année, ça faisait déjà quatre ans que je jouais du violon. Donc oui, c'est sûr, j'ai été capable de faire plus de choses. J'ai toujours été un peu plus [avancée], un peu meilleure que les autres parce que ça faisait plus longtemps que j'en faisais, et puis j’ai toujours continué avec un cours privé: pour moi, les cours de violon avec madame S, c'était vraiment facile. [Par contre] il y a un truc que je ne faisais pas avec mon prof privé, c'est la lecture à vue. Ça c'est [entièrement] les cours de madame S. Ça m'a permis d'améliorer ma lecture à vue.


Donc ça c'est vraiment quelque chose de spécifique que l’école FACE t'a donné: la capacité de jouer en lecture à vue.  Qu'est-ce que tu penses que l'école et le milieu orchestral de l’école t'ont offert? Qu’est-ce que tu aurais manqué si tu n’avais pas eu cette expérience musicale-là?

Madeleine Jouer en groupe, ce n’est pas quelque chose que tu peux faire en privé.  Les cours privés, c'est plus sur la technique, comment tu joues comme individu et non comme groupe. Ça c'est quelque chose que les orchestres font. 


Est-ce que tu as exploré plusieurs formes musicales ?

Madeleine Ce que j'ai plus appris, c'est la musique classique. Des fois il y a des petits ateliers. Cette année (2022-2023, ndlr), c'était la musique folklorique parce que des fois il y a des stagiaires ou des gens d'ailleurs qui viennent ici. Je pense qu’on avait aussi fait du jazz, on du blues, mais à part de ça, j'ai plus fait de la musique classique.


Tu as eu madame S depuis la quatrième année. Est-ce que tu sens que c'est rare ça? D'avoir une relation avec un professeur comme ça, qui dure autant d'années? 

Madeleine C’est une relation professeur-élève. Je la connais, je connais ses cours, [je sais] comment elle enseigne. Elle me connaît depuis que je [ne savais jouer qu’]en première position, [jusqu’à ce que] je [joue] le répertoire plus compliqué de l'OSF. Donc elle, elle connaît plus mes limites. Mais elle reste mon enseignante. 


Est-ce qu’il y a eu d’autres moments repères dans ton parcours scolaire?

Philippe La pandémie a eu un effet positif dans le cas de Madeleine, parce que l'école avait décidé de poursuivre [certaines] activités dans la mesure du possible – elle a alors [intégré] l’orchestre de chambre. Elle pouvait s'épanouir de façon plus particulière, plus personnelle. Et j'ai remarqué, à cette époque-là, qu’il y a eu un tournant: je n’ai plus jamais eu besoin de faire du suivi en musique. Après ça, ça allait tout seul.


Qu'est-ce que tu vas faire avec tout ça maintenant, Madeleine ?

Madeleine Au Cégep, je m'en vais en double DEC, en science et en musique, à Brébeuf. Je vais continuer en science, mais je ne veux pas laisser tomber la musique, ça fait trop longtemps que j'en fais pour faire ça ! Mais je pense pas que je vais étudier la musique à l'université. Pour [ça], il aurait fallu que j'aie un niveau peut-être plus élevé que maintenant.  Je n’ai pas consacré tout mon temps à la musique [jusqu’ici], alors je ne vais pas le faire au Cégep non plus.


Ce qu’on comprend, c’est que la musique a été une partie extrêmement importante de ton primaire, de ton secondaire, et elle reste au cœur de ton identité. Mais ce n'est pas toute ton identité. Est-ce que tu sens que tu pourrais continuer la musique pour le plaisir?

Madeleine Je ne pense pas que je vais laisser le violon à 100 %, même rendue à l'université. Avec les amis de musique, on pensait continuer à faire l'orchestre de chambre et faire un quatuor pour le pour le Cégep. À voir!


Vous avez passé douze ans à l’école. Vous quittez ces douze ans comment? Qu'est-ce que ça vous fait d'avoir terminé ça? 

Madeleine Je me sens très triste de quitter le milieu où j’ai passé une très grande partie de ma vie, mais j’ai beaucoup appris de cette expérience grâce à mes amis, mes profs et ma famille.

Philippe Je devrais répondre que j’éprouve une grande satisfaction lorsque je regarde tout le travail accompli au cours de ces années. Mais à la suite du dernier concert de musique-chant, bien qu’on m’avait averti que c’était un moment très émouvant, j’ai été envahi d’une profonde tristesse qui m’a pris complètement par surprise. J’ai dû faire un deuil à la fin du concert, je venais de réaliser pour la première fois que nous sommes ailleurs. Aujourd’hui, j’ai envie de remercier le plus chaleureusement possible les professeurs pour leur travail soutenu, et particulièrement Théodora Stathopoulos.



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